La tarragone : à la santé des chartreux !

Bien que remontant aux années 1920, ces six bouteilles de tarragone, quasiment intactes, présentaient des niveaux tout juste, légèrement ou moyennement bas. Elles sortaient pour la première fois de leur caisse, ouverte pour l’occasion par l’expert de la vente. De quoi donner un supplément d’âme à ces nectars intouchés, emportés à près du triple de leur estimation par un collectionneur national. Un second lot similaire de cette chartreuse jaune décrochait 60 000 €. De nombreux français étaient en lice pour cette «liqueur de santé» produite par les moines de la chartreuse de Vauvert, détruite à la Révolution et dont une partie des terrains est occupée par le jardin du Luxembourg, à Paris. Sa recette initiale, à base de plantes médicinales, leur avait été confiée par le duc d’Estrées en 1605. Mais les Espagnols montraient également une belle ardeur pour ce breuvage, que les religieux – réfugiés en Espagne après leur expulsion de France suite à la suppression des congrégations en 1903 – produisirent à Tarragone jusqu’en 1989. Sa rareté ne manquait pas d’éveiller également l’intérêt des acheteurs chinois. Pour le volet consacré aux arts de la table, signalons les 17 500 € requis pour une partie de ménagère en argent de 96 pièces, dont le modèle «Bayonne» a été créé par Jean Puiforcat en 1924. Un blason surmonté d’une couronne marquisale est ciselé sur les manches à pans coupés, sobrement terminés par trois joncs (poids brut 9 668,5 g).

Sophie Reyssat, Gazette de l'Hôtel Drouot datée du 19 juin 2020