Au chant des grillons

Estimation : 2 000/3 000 euros. Saint-Cloud, dimanche 1er avril. Chine, paire de boîtes cylindriques en ivoire, textes calligraphiés sur le couvercle, cachet sous le fond, XIXe siècle, 9 x 10 cm. Qui n’a jamais tendu l’oreille pour écouter le chant du grillon ? Sortant de sa cachette troglodyte dès que les gelées disparaissent, il chante d’autant plus fort que la caresse du soleil se fait pressante. Sans doute est-ce pour profiter à loisir de son chant indissociable de l’été que les Chinois ont commencé à les capturer et à les élever. Il n’aura pas fallu longtemps pour remarquer que les mâles de certaines espèces cohabitent plutôt difficilement... Dès l’époque Tang (618-906), l’idée a ainsi germé d’organiser des combats entre les plus vigoureux spécimens. La mode des cages à grillons connaîtra quant à elle son apogée sous les Song (960-1279). Devenu le symbole du courage, l’insecte donne même lieu à des ouvrages spécialisés, dissertant de l’art de les faire combattre. On imagine à quel point nos petites bêtes, enjeux de paris, devaient être bichonnées ! Leur prison se transformait parfois en véritable oeuvre d’art. Au XVIIIe siècle, des objets de porcelaine ajourée adoptant des formes variées témoignent encore de l’intérêt des Chinois pour les grillons. Datant pour leur part du XIXe siècle, ces deux boîtes en ivoire n’en évoquent guère que le souvenir, leurs parois pleines ne permettant pas d’assurer la survie de l’insecte. Les paysages animés et les scènes pleines de vie, rehaussés de polychromie, sont séparés par des motifs de croisillons gravés ; on songe aux claustras des cages antiques. Poussant jusqu’au bout le souci du détail, l’artiste est allé jusqu’à placer un couple de grillons à l’intérieur de chaque boîte. L’un dispose pour sa subsistance d’une feuille de salade et d’un abreuvoir, l’autre peut profiter d’un abri et se sustenter d’un haricot. Mais vous tendrez l’oreille en vain, seul compte le plaisir des yeux ! LA GAZETTE DE L’HÔTEL DROUOT – 30 MARS 2012 – N° 13