Zao Wou-ki et la poésie de l’encre

Des bateaux en perdition émergent de l’océan avec lequel ils font corps, dans un vibrant instant suspendu.

Si cette œuvre de Zao Wou-ki n’est pas emblématique de cette vente généraliste, marquée par un bel ensemble de meubles et de bronzes d’époque Empire, elle en est la pièce phare. Elle a été exécutée trois ans après que l’artiste a quitté la Chine pour s’installer à Paris, en 1948. Grâce à Henri Michaux, il rencontre Pierre Loeb, qui lui ouvre les portes de sa galerie en 1951. Sur cette feuille, seules quelques lignes plus précises, et des ombres plus marquées, permettent de distinguer les coques de Bateaux dans la tourmente de la mer qui tente de les submerger. Les cordages dressés au centre de la composition semblent dissociés de leur navire, comme une émanation fantomatique, elle-même semblable à une vague. Nulle côte en vue, nul horizon pour ces bateaux, qui luttent en silence contre l’eau qui a envahi tout l’espace. Ce jeu entre le visible et l’invisible crée la tension de ce paysage confinant à l’abstraction. Sa subtilité est servie par l’utilisation de l’encre, longtemps écartée par l’artiste qui souhaitait s’éloigner des traditions asiatiques : il l’a peu utilisée avant les années 1970, et lui a accordé plus d’importance à partir de 1980. Comme une calligraphie, ses lignes écrivent ici le destin de ces navires, mis en couleurs par les effets de lavis et les ponctuations d’encre. Il n’en faut pas plus pour stimuler l’imaginaire.

Zao Wou-ki (1921-2013), Bateaux dans la tourmente, 1951, lavis d’encre et encre sur papier signé et daté «51», 30 x 38,5 cm. 

Résultat : 40 000 €


LA GAZETTE DROUOT N°5 DU 3 FEVRIER 2023